La démocratie française s’est toujours méfiée d’une pratique suspecte, perçue dans notre culture nationale comme une pression malsaine exercée par des intérêts particuliers directement dirigés contre l’intérêt général. L’article 23 du Règlement de l’Assemblée nationale va ainsi jusqu’à interdire expressément la réunion, dans l’enceinte du Palais bourbon, de groupements permanents tendant à la défense d’intérêts particuliers, locaux ou professionnels. Hypocrisie ! Du secteur du tourisme à l’industrie pharmaceutique en passant par la viticulture, ce sont près d’une centaine de « groupes d’études », présidés par des députés, qui relaient sans le dire les préoccupations de tel ou tel groupement professionnel. C’est en réalité dans la clandestinité que le lobbying se fraie son chemin dans les allées du pouvoir de la République. Quel contraste avec ce qui se passe à Bruxelles, capitale mondiale du lobbying ! A moins d’une heure trente de Paris par le Thalys, la démocratie européenne se nourrit d’une pratique fondée sur la transparence, l’ouverture et le pluralisme. Près de 5 000 groupes d’intérêt sont ainsi accrédités auprès du Parlement européen tandis que la Commission les invite à respecter un code de déontologie. Bien sûr, chacun y défend son corporatisme, mais c’est in fine aux dirigeants élus et responsables, et à eux seuls, qu’il appartient de décider en dernier ressort. Un lobbying transparent va ainsi de pair avec l’exigence du courage politique. Car dans une société de plus en plus complexe, où la technique est de plus en plus présente, où le principe de précaution est devenu la règle, les décideurs publics ont plus que jamais besoin de l’expertise des acteurs économiques et sociaux. A défaut, ils encourent le risque de voter des lois inadaptées ou inutiles.
Un expert du secteur.